Intervention d’Antoine Maurice lors du conseil municipal du 29 avril 2020
Chères Toulousaines et Toulousains confinés,
Vous qui nous regardez depuis chez vous,
Mesdames et messieurs les élu(e)s, confiné(e)s ou présent(e)s,
Notre pays et notre ville traversent la pandémie globale provoquée par le virus COVID19. Je veux, en ouverture, que nous ayons une pensée fraternelle envers les victimes et envers leurs proches, de Toulouse et d’ailleurs. Une pandémie, ce n’est pas que des chiffres, des courbes et des statistiques. C’est d’abord des vies touchées, des destins emportés, de la douleur et des deuils.
Je tiens, également, à saluer la mobilisation remarquable du CHU de Toulouse, de l’ensemble de ses personnels. Prendre les décisions au bon moment, anticiper, s’attendre à l’inattendu, se coordonner avec les autres institutions, jouer collectif, rester humain pendant la catastrophe : autant de forces de que notre hôpital public a su déployer avec réactivité et bienveillance.
La séance de ce jour est extraordinaire, à plus d’un titre.
D’abord, nous le notons tous, nous ne siégeons pas tous dans la salle du conseil municipal de l’Hôtel de Ville. Monsieur le maire, c’est un conseil que vous avez souhaité en partie physique et en partie dématérialisé.
C’est une première dans l’histoire de notre ville.
Je tiens ici à remercier l’ensemble des équipes qui ont travaillé et travaillent encore à l'instant d’arrache-pied pour permettre à cette séance un peu particulière de se dérouler au mieux.
Il est important de rappeler que cette crise n’est pas qu’une crise sanitaire. C’est une crise globale qui a déjà et va avoir des répercussions multiples (sanitaires, financières, économiques, politiques, sociales et écologiques) et qui touchent tous les pans de la société. Le coronavirus est aussi le nom d'un dérèglement.
Sanitairement parlant d’abord : de plus en plus de soignants alertent sur les reports de consultation pour d’autres maladies, pourtant graves elles aussi. Sur ses conséquences pyschologiques sur des personnes fragiles et isolées, je pense notamment à nos aînés.
Les inégalités explosent : cette crise fait bien plus que « mettre en lumière » certaines inégalités criantes, comme celle du type de logement, de l’accès au numérique, de la capacité d’accompagnement des parents dans la scolarité de leurs enfants : elle est en train de les aggraver et le fossé, si nous n’y prenons garde, va continuer à s’élargir dramatiquement.
Cette crise est globale. Nous devons tous et toutes être acteurs et actrices des solutions. C’est la raison pour laquelle, en tant que collectivité, la Ville de Toulouse doit agir par tous les leviers à sa disposition pour y répondre de manière la plus adéquate et la plus juste possible.
C'est le sens des propositions que nous avons formulées avec l'ensemble de l'opposition municipale. Dès le début du confinement, je vous ai écrit pour vous faire part de propositions et de ma disponibilité pour agir collectivement face à cette crise sanitaire. Nous avons pu vous faire remonter des problématiques et actions utiles à travers les réunions hebdomadaires que vous avez bien voulu organiser. Je pense notamment à l'accompagnement des sans domicile fixe, à la lutte contre les violences faites aux femmes qui se sont accrues dans la période, ou encore au soutien aux acteurs associatifs, notamment culturels, qui demandent légitimement un fonds de soutien dans cette période.
C'est aussi le cas des propositions de mesures supplémentaires que nous avons formulées en amont de ce conseil municipal avec l'ensemble des groupes de l'opposition municipale, dont certaines ont déjà été partiellement reprises : je pense à l'aide financière alimentaire aux familles modestes ou aux mesures d'urbanisme tactique, d'adaptation de l'espace public aux modes doux telles que des pistes cyclables temporaires, sur lesquelles il ne s'agit pas simplement d'expérimenter mais d'agir pleinement pour répondre au double enjeu sanitaire : lutter contre la propagation du virus et préserver une qualité de l'air améliorée par la diminution de nos déplacements en voiture depuis le confinement.
Toulouse est une terre de débat d’idées, de délibération, de controverse. Une terre où nous faisons vivre la démocratie, chacun à notre échelle, que l’on soit élu ou non. Par fidélité à ces valeurs qui font Toulouse, il était souhaitable de réunir notre assemblée commune, l’assemblée des Toulousaines et Toulousains.
Je ne crois pas à la démocratie sans élu, sans assemblée. Les crises, les catastrophes ne doivent pas tout balayer sur leur passage. L’Etat de droit, la délibération, les contrepouvoirs sont les piliers du bien commun. Les suspendre indéfiniment serait ajouter la crise institutionnelle à la crise sanitaire: nous devons simplement trouver les formes sûres qui permettent aux représentants des Toulousaines et des Toulousains d’être réunis, d’exercer leur mandat prolongé dans cet entre deux tours inédit.
Je souhaite, au nom de mon groupe et de l'ensemble du conseil municipal j'en suis sûr, remercier l’ensemble de notre première ligne, du personnel soignant, qui ne compte pas ses heures pour faire reculer le virus, dans un hôpital public déjà fragilisé, et aussi celles et ceux qui, par leur activité, permettent à notre ville de tenir : les caissières, les chauffeurs de Tisséo, les livreurs, les éboueurs, les gardes d’enfants, les aides à domicile, la liste est longue. Sans vous, notre société ne serait rien.
Je remercie également l’ensemble des agents du service public, de la Ville de Toulouse, de son CCAS, de ses satellites, et aussi les agents de la Métropole. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des services publics robustes, portés par des agents motivés, militants des biens communs et de l’intérêt général. Merci à toutes et à tous, merci de faire vivre les services publics qui nous aident à traverser cette crise dans les meilleures conditions.
Je souhaite remercier, et encourager, l’ensemble des Toulousaines et des Toulousains, qui respectent les règles douloureuses du confinement dans leur immense majorité, malgré l’inconfort, et souvent malgré l’isolement. Par notre mobilisation à toutes et tous, jour après jour nous sauvons des vies, c’est essentiel.
Le Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé hier à l’Assemblée Nationale une série de mesures devant accompagner le déconfinement.
Outre l'absence de mesures sociales que nous déplorons, nous exprimons une inquiétude sur les conditions de réouverture des écoles.
La réouverture des écoles le 11 mai, alors même que le Conseil Scientifique a fait savoir qu’il y était défavorable, soulève des interrogations. Bien que progressive, cette rentrée prématurée semble répondre d’abord à des besoins économiques avant de répondre à des besoins pédagogiques et sanitaires. Au lieu du volontariat, caractéristique d’une vision très libérale de l’école, nous défendons l'école de la République basée sur l'égalité et l'accès à toutes et à tous. L’accueil des élèves devrait reposer sur des critères éducatifs et sociaux, et tous les moyens devraient être mis en œuvre pour contacter et accueillir en priorité les élèves décrochés, ne disposant pas de l’environnement nécessaire à un enseignement à distance, et les élèves les plus en difficultés qui ont un énorme besoin d’école réelle.
Dans les villes à travers tout le pays, les élus locaux et les associations pallient les “oublis” de l’État en fournissant par exemple des paniers repas ou chèques alimentaires comme nous les avons proposés, à une population qui n’a plus, du fait du confinement, les moyens de subvenir à son alimentation.
Au fond, le gouvernement se déresponsabilise et envoie les élus locaux au front.
Monsieur Moudenc, vous voilà bien mal récompensé de votre soutien au gouvernement depuis deux ans.
Elus, nous serons vigilants, exigeants, et force de propositions, pour faire en sorte que les Toulousaines et Toulousains, notamment les plus modestes, ne payent pas deux fois le prix de la crise.
Enfin,nous savons que les pandémies risquent de se multiplier si nous ne changeons pas radicalement, et à une échelle planétaire, nos modes de développement et d’échanges, nos manières de vivre, nos relations au vivant humain et non humain.
Nous devons saisir cette période comme une opportunité pour reposer la question du sens de nos vies, de nos activités, de notre rapport à l’autre et à notre environnement, d’autant que d’autres crises, énergétiques et alimentaires celles-ci, se profilent.
Comment faire de cette période un levier pour accélérer la transition écologique de nos sociétés et faire naître une nouvelle donne fondée sur la solidarité et la coopération ? En tant que force politique et élus, nous ne serons pas les premiers opposants, nous voulons être les premiers proposants.
La pandémie en cours nous appelle à reconstruire les fondations du monde et de notre ville. Ni plus ni moins.