Bilan de mi-mandat / Faux-semblants et non-dits de l’urbanisation « modérée »…
Par Régis Godec, Conseiller municipal et métropolitain
En matière d'urbanisme, Monsieur Moudenc avait promis aux électeurs une politique de densification « modérée ». Cette notion, très vague, est à l'image de la ligne politique du personnage. Il dit un peu de rien et un peu de tout sans se contredire. Et surtout, il laisse entendre que l'on saura trouver un équilibre entre le besoin de construire et la nécessité de préserver la qualité de vie des habitants déjà installés.
Vaste programme et alléchant slogan... Mais au bout de trois d'action municipale, qu'en est-il réellement ? Pour le savoir, tenons-nous-en aux actes. Et force est de constater qu'à la mi-mandat, le brouillard s'épaissit...
Concrètement, quel indicateur a été utilisé pour évaluer cette modération de la densité ?
La seule déclaration sur le sujet dans la récente (et pourtant torrentielle) communication de mi-mandat de la majorité fut celle-ci :
" Urbanisme : 85 % des projets revus à la baisse ". Il est précisé par ailleurs que « Les projets sont retravaillés avec les promoteurs, en tenant compte de l'avis des riverains ».
On croit donc comprendre que les promoteurs n'auraient pas utilisé l'intégralité de la constructibilité autorisée dans 85 % des permis de construire attribués. Indicateur assez fumeux, révélateur du manque de sincérité de cette communication de mi-mandat...
Car pourquoi l'indicateur du nombre de logements construits, beaucoup plus parlant, n'a-t-il pas été choisi ? Tout simplement parce qu'il est défavorable au discours du Maire de Toulouse...
Qu'aurait-il fallu écrire alors ?
- Réponse : " Le nombre de logements construits a augmenté de 69% en deux ans " !
En effet en 2014, 2 752 logements livrés ont été recensés, contre 4 647 en 2016 (source : la publication officielle Toulouse Métropole en chiffres, édition 2017).
Pour être totalement transparents, précisons que de 2008 à 2014, il y a eu en moyenne 4 094 logements construits chaque année. Et sur les années 2015 et 2016, 4 136 logements par an.
Conclusion : l'indicateur du nombre de logements livrés démontre qu'il y a en réalité une continuité, d'ailleurs logique sur ce sujet, compte-tenu de l'attractivité de notre territoire, dont la démographie reste parmi les plus dynamiques de France.
Quelles décisions ont été prises concrètement depuis 2014 ?
Le seul acte politique majeur intervenu depuis le début du mandat est la modification du PLU, intervenue en 2016. Et il n'y a pas eu de diminution de l'intensité urbaine dans ce projet. Bien au contraire...
Toutes les opérations publiques de construction ont été maintenues dans leurs ambitions de production de logements, et certaines augmentées. A l'exemple des projets urbains Cartoucherie, Jolimont, Montaudran ou Malepère, qui n'ont pas été modifiés. Ou de la ZAC de Saint-Martin du Touch, dont les constructions ont augmenté de 17% (584 500 m2 au lieu de 500 000m2).
Quant au droit à construire, il a systématiquement évolué à la hausse. De grands terrains appartenant à des propriétaires fonciers ont été rendus constructibles pour leur permettre de réaliser des opérations d'envergure.
Ce sera le cas pour les terrains de Freescale, en bordure du quartier de Saint-Simon (lire ici).
Des terrains propriétés de Latécoère rue de Périole, ou encore les terrains propriété de Voies Navigables de France ont donné l'occasion de prendre conscience que la majorité municipale était dans une logique d'accompagnement des appétits des propriétaires fonciers.
La municipalité a parfois fait marche arrière, mais la menace pèse toujours sur l'avenir des projets situés à Pech-David...
Ou encore dans le quartier de Montaudran, sur les terrains propriété de Caterpillar, ou pour finir dans le secteur Brouardel - Place de L’Europe, pour lequel la municipalité propose la construction de 600 logements et l’installation d’un campus numérique et d’un « hôtel étudiant » en bradant au passage l'ancienne Caserne et une partie de la place.
La densification « modérée » reste décidément un concept bien flou...
La Tour Occitanie, symbole de l’urbanisme modéré ?
Mais quelle idée leur est passée par la tête ? La folie des grandeurs ? La volonté de signer un mandat d’un geste architectural ?
Toujours est-il que la décision d’autoriser la construction d’une tour de 150 mètres de hauteur dans le quartier Matabiau laisse perplexe. Cette tour, rebaptisée « Occinantis » avec un certain à propos est en effet affranchie des obligations de construction des logements sociaux et elle deviendra le cœur du quartier VIP de Toulouse. Des logements de luxe à 7 000 € le m2, un hôtel Hilton (4 étoiles), des bureaux de prestige... Tout est prévu pour cette émergence urbaine aux abords de la gare. Quel sera l’impact de cette construction sur le marché des bureaux qui est moribond à Toulouse ? La dynamique commerciale du centre-ville ne sera-t-elle pas affectée par la construction de ce quartier d’affaires et de commerces ?
L’avenir nous le dira, mais nous sommes loin ici d’une « modération » urbaine…
Et pour les années à venir ?
Le PLUi-H (Plan Local d'Urbanisme et d'Habitat intercommunal) est le document qui réglementera le droit à construire pour les 10 prochaines années. Il sera soumis à enquête publique au début de l’année 2019 et nous en connaissons déjà les grandes lignes.
Il inscrira un objectif de production de 3 500 logements par an à Toulouse. Cet objectif est raisonnable et nécessaire pour lutter contre l’étalement urbain.
La Ville de Toulouse ne porterait là que 50 % de l’effort de construction de la Métropole, au lieu de 60 % par le passé (20 765 logements construits à Toulouse entre 2008 et 2013, 34 438 sur le territoire de la Métropole).
Le problème est que cet objectif n’est pas conforme avec les ambitions du Plan Mobilités lancé par Jean-Luc Moudenc. En effet, celui-ci n’améliorera pas la desserte des périphéries en transports en commun, et les problématiques de mobilité se renforceront sur ces territoires.
Au contraire, en concentrant les infrastructures de transport sur Toulouse (avec la troisième ligne de métro), l’attractivité de la ville centre sera renforcée, et le déséquilibre urbain aggravé.
Lors du débat public sur la troisième ligne de métro, le dossier du maître d’ouvrage évoquait le chiffre de 150 000 habitants supplémentaires le long des 28 KM de tracé. Etonnamment, le PLUi-H n’en fait pas mention et ne renforce que faiblement la constructibilité le long du tracé.
Interrogée à ce sujet lors du Conseil Métropolitain du 3 Octobre 2017, l'adjointe à l'urbanisme a précisé que l’augmentation de la constructibilité se ferait dès les premières années de mise en service de la troisième ligne de métro !
Le mandat de Jean-Luc Moudenc risque de s’achever sur un projet qui sera néfaste au développement urbain harmonieux que défendent les écologistes. La métropole sera déséquilibrée, avec une concentration du développement urbain sur la ville centre et des territoires périurbains mis en difficulté pour remplir leurs objectifs et assurer une qualité de vie à leurs habitants et aux nouveaux arrivants.
Un grand gâchis en vérité, et un bilan désolant....