Le projet de gratte-ciel à Matabiau est-il une « audace » pertinente ?
Par Régis Godec
Le Maire de Toulouse propose au vote du Conseil Métropolitain du 10 novembre une délibération qui modifiera le Plan local d’Urbanisme de la ville de Toulouse. Les élus écologistes ont eu l’occasion de s’exprimer sur les contradictions de ce document lors de l’enquête publique par le biais d’une contribution, et lors du conseil municipal du 21 Octobre 2016.
Parmi les modifications importantes, il en est une qui déchaîne des passions : la proposition d’autoriser la construction d’un gratte-ciel à l’angle des allées Jean Jaurès et de la gare Matabiau, sur le site de l’ancien centre de tri. En effet, le PLU autorisera dorénavant la construction d’un immeuble de 150 mètres de hauteur, une hauteur jamais atteinte à Toulouse où les constructions les plus hautes culminent à 67 mètres. Dans ce quartier on trouve des immeubles de 19 étages qui atteignent 64m et sont parmi les plus hauts de Toulouse.
Faut-il s’enthousiasmer de cette audace architecturale à Toulouse ? Faut-il s’effrayer des risques d’un projet qui défigurerait le quartier de Matabiau et donnerait le ton pour l’identité architecturale des futures ramblas ? Le risque dans ce débat est d’opposer les points de vue et de considérer que les promoteurs de cet Immeuble de Grande Hauteur (IGH) seraient les partisans de la modernité, et les opposants seraient des conservateurs qui empêcheraient l’entrée de la ville de Toulouse dans la modernité urbaine des grandes villes européennes.
Tout d’abord, n’oublions pas qu’il s’agit avant tout d’une partie du projet Toulouse Euro Sud-Ouest qui a pour objectif de rénover et moderniser la gare Matabiau et d’en faire un pôle d’échange multimodal moderne et fonctionnel. Le projet en lui-même est intéressant dans ses fondamentaux et mérite d’être soutenu, la création de 4 parvis, le plan guide soumis à la concertation, et supervisé par l’urbaniste Johan Busquets me semblent être de bonnes bases de travail.
Soulignons que ce projet qui s’étend sur 157 hectares, et qui prévoit 300 000 m2 d’activités tertiaires et de bureau, 2 000 logements et 50 000 m2 de commerces est en soi un projet qui bouleversera la ville de Toulouse et modifiera ses équilibres.
Mais ce projet risque également de bouleverser le paysage urbain s’il intègre dès le début des travaux un immeuble de 150 Mètres de hauteur qui concentrerait à lui tout seul 10 % des surfaces de bureaux à créer sur l’ensemble de l’opération. Les immeubles de grande hauteur (IGH) sont soumis à des normes de sécurité extrêmement importantes qui augmentent considérablement le coût des travaux de construction mais aussi le coût de fonctionnement de ces immeubles. On peut également s’interroger sur les enjeux financiers de ce projet... Surtout lorsque l’on sait que le terrain appartient à la SNCF et qu’il n’est pas dans le périmètre du Projet d’Intérêt Majeur (PIM) qui fera l’objet d’une convention de financement. En vérité, la SNCF n’est-elle pas en train de financer les travaux de la Gare en captant les plues-values foncières du centre-ville ?
Il s’agit là du foncier le plus cher de l’agglomération, avec un bénéfice évalué à près de 9 Millions d’Euros pour la SNCF pour simplement 2 000 m2. De son côté, la Métropole pourrait engranger une recette de 3,5 Millions d’Euros sur cette vente.
Pour ma part, je considère que la hauteur est nécessaire pour la construction d’une ville intense et lutter contre l’étalement urbain. Le recours aux constructions dans les projets urbains peut être intéressant et permettre de dégager des espaces publics de qualité et végétalisés pour la création d’îlots de fraîcheur. Les opérations récentes telles que Ponts-Jumeaux ou Borderouge ont démontré la nécessité d’avoir de l’audace dans les formes urbaines. Mais je crains que la construction d’un gratte-ciel sur ce site ne soit qu’un emblème. Les bâtiments construits autour de ce projet de construction culminent à une hauteur de 19 étages, une hauteur qui semble suffisante pour réaliser un projet d’envergure avec une audace architecturale. En réalité n’y a-t-il pas des audaces plus pertinentes que la hauteur ?